La réponse du Gouvernement à ma question sur la radicalisation dans les prisons

Radicalisation dans les prisons

 

Ma question et sa réponse sur le site du Sénat

 

Question d’actualité au gouvernement n° 0476G de M. Henri Cabanel (Hérault – SOC)

Publiée dans le JO Sénat du 06/03/2015 – page 2344

M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, je tiens tout d’abord à vous témoigner mon soutien après les attaques ignobles dont vous avez été la cible ces derniers jours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.) Ces propos indignes de la part d’un parlementaire ne font qu’amplifier la défiance que peuvent parfois exprimer les citoyens envers les élus. Après les tragiques événements du mois de janvier dernier, qui ont nourri le débat sur la montée du radicalisme religieux dans les prisons, j’ai souhaité rencontrer très rapidement les directions et les représentants des syndicats de surveillants des deux établissements pénitentiaires de l’Hérault, situés à Villeneuve-lès-Maguelone et à Béziers. Il s’agissait pour moi de me forger une idée très concrète de la réalité de l’univers carcéral. Certains ont parfois le sentiment que les prisons sont totalement ouvertes sur l’extérieur. Ce n’est évidemment pas le cas, mais surveillants et directions m’ont exprimé les difficultés qu’ils rencontraient quotidiennement dans l’accomplissement de leur difficile mission. Pour améliorer encore la lutte contre l’introduction d’objets illicites, véritable fléau qui fragilise la sécurité en milieu carcéral, beaucoup prônent la généralisation de systèmes déjà existants : brouilleurs pour les portables, filets tendus au-dessus des cours de promenade… Madame la garde des sceaux, je sais votre implication dans le développement de ces solutions. Ces moyens techniques apporteront une réponse partielle aux incidents. Cependant leur déploiement suppose des investissements importants, dans un contexte budgétaire très contraint, alors qu’il ne pourra résoudre tous les problèmes. Directions et représentants des syndicats s’accordent à dire que, quelle que soit l’évolution des moyens techniques, la base de l’univers pénitentiaire, c’est le surveillant. Il faut donc replacer celui-ci au cœur du dispositif, alors même que, actuellement, dans les établissements de l’Hérault, on compte un surveillant au contact de la population carcérale pour quatre-vingts prisonniers. Quelles réponses pouvons-nous apporter au souhait des surveillants de mieux connaître la culture et la religion musulmanes ? Comment les aider à surmonter la barrière de la langue ? Les surveillants rencontrés soulignent l’absence de formation des agents de catégorie C sur ces thèmes. Quels outils leur apporter pour qu’ils puissent, dans le cadre de leur mission d’observation, détecter les signes de radicalisation, sans que cela entraîne pour autant une tension dans les relations avec les prisonniers ? Par ailleurs, madame la garde des sceaux, à l’heure où vous réfléchissez à un projet d’indemnisation des aumôniers, ne pourrait-on pas combiner cette professionnalisation des aumôniers avec la nécessaire formation des surveillants ? Les aumôniers pourraient ainsi, dans le cadre de leur mission, communiquer leur savoir, de façon pédagogique, au personnel pénitentiaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Réponse du Ministère de la justice

publiée dans le JO Sénat du 06/03/2015 – page 2345

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos paroles de soutien. Au-delà, je remercie toutes celles et tous ceux qui m’ont exprimé leur soutien ces derniers jours. Malheureusement, il est à craindre que l’occasion ne s’en présente de nouveau…
Je salue le fait que vous vous soyez rendu dans deux établissements pénitentiaires. De manière générale, je souhaite que les parlementaires utilisent la possibilité qui leur est offerte par la loi du 15 juin 2000 de visiter les établissements pénitentiaires, y compris de façon inopinée. Les prisons étant une institution républicaine, il est bon que les représentants du peuple s’y rendent et puissent témoigner de leur fonctionnement.
Vous avez raison de dire que les réponses techniques ne sont pas suffisantes. Elles ne sont que des auxiliaires de l’action humaine. Au mois de juin 2013, j’ai arrêté un plan d’action visant à renforcer la sécurisation des établissements pénitentiaires. Doté de 33 millions d’euros, il a permis d’équiper de nombreux établissements en portiques de détection, en magnétomètres, en filets de protection. Pour autant, je n’ai jamais concentré l’effort exclusivement sur la technique. La technique est passive ; ce qui importe, c’est la capacité des personnels à faire face à une situation évolutive.
Nous avons très tôt pris des mesures dans cette perspective. Ainsi, en 2014, 1 500 agents pénitentiaires, dont 1 200 surveillants, ont reçu une formation initiale et 400 agents ont bénéficié d’une formation continue. Nous avons veillé à inclure dans ces formations des modules sur la laïcité, les institutions républicaines, l’approche des religions et la lutte contre la radicalisation violente.
Ces formations vont encore s’améliorer, puisque, à partir de l’été prochain, la totalité des personnels de vingt-six établissements sensibles suivront des modules supplémentaires sur la lutte non seulement contre la radicalisation violente, mais aussi contre le prosélytisme et l’emprise sectaire.
Nous avons constaté le développement de pratiques de dissimulation des comportements. De ce fait, les critères qui nous permettaient jusqu’à présent d’identifier les détenus radicalisés ne sont plus pertinents. Par conséquent, depuis l’été 2014, j’ai lancé un appel d’offres pour des recherches-actions. Nous travaillons avec des universitaires à la définition de nouveaux critères d’identification des détenus radicalisés et à la mise en place de processus de prise en charge, de séparation lorsque c’est nécessaire ou de déradicalisation.
Nous poursuivons cette action avec les aumôniers, que nous formons sur une base œcuménique. En effet, il importe que tous les aumôniers nationaux soient impliqués dans ce travail de formation, de détection de la radicalisation violente et de diffusion des valeurs républicaines, notamment la laïcité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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