Néonicotinoïdes, surtransposition, lourdeur administrative : Agir avec raison

Date de publication 3 février 2025

Je suis intervenu en séance publique, ce lundi 27 janvier, au sujet de la Proposition de loi Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur :

Tout ou rien, préférons la nuance.

Ce texte de nos collègues Duplomb et Menonville a le mérite de cerner un enjeu : l’évolution du métier d’agriculteur et de ses contraintes. Je comprends pleinement son fondement, à l’instar de la profession. Nos paysans s’élèvent contre la surtransposition, les accords commerciaux internationaux et la lourdeur administrative, notamment française.

À quelques semaines des élections des chambres d’agriculture, les syndicats se sont mobilisés pour faire entendre la souffrance des femmes et des hommes de la terre. En colère contre le Mercosur, étranglés par des trésoreries exsangues après des années frappées par de mauvaises récoltes et des aléas climatiques, sanitaires et économiques, leurs attentes sont fortes.

En parallèle de la mobilisation, qui a pour enjeu la fin des contraintes, cette proposition de loi ne doit pas se transformer en tribune politique pour exacerber les clivages entre les modèles agricoles. Nous aurions beaucoup à y perdre.

Ce métier a vécu des séries de révolutions. Les agriculteurs se sont toujours adaptés. À titre personnel, j’ai vu mon grand-père, bio sans le savoir, travailler la vigne avec des chevaux ; mon père avait des tracteurs et des produits de synthèse ; je suis passé à la machine à vendanger et j’ai converti mon exploitation au bio ; enfin, mon fils gère le domaine avec une tablette et utilisera à coup sûr des robots…

L’utilisation de la chimie, au travers des phytosanitaires et engrais, a sauvé nos exploitations en diminuant le coût de production, ce qui a permis de dégager un revenu. Mais à quel prix ? Celui de la dépendance envers l’industrie, sans oublier le coût écologique et de santé publique dont nous n’avions pas conscience avec l’éradication, par exemple, de beaucoup d’insectes et d’oiseaux, l’appauvrissement des sols en matière organique et l’apparition de maladies souvent mortelles pour nos agriculteurs.

De l’histoire, puisons le bon. L’agriculture a su évoluer, avec la haute valeur environnementale et les agricultures raisonnée et bio, aux côtés d’une agriculture conventionnelle, qui s’est adaptée aux objectifs environnementaux. Nous pouvons atteindre une agriculture plurielle répondant aux différents enjeux économiques, environnementaux et de santé publique, qui doivent rester équilibrés.

Pourquoi opposer des modèles ? Pourquoi s’imposer des œillères ? Nous n’allons pas revenir aux chevaux de trait ! Nous avons su diminuer les contraintes physiques inhérentes à ce métier, nous pourrons nous entendre pour supprimer ce qui fragilise encore le travail de nos agriculteurs : la lourdeur administrative et surtout l’iniquité d’une concurrence déloyale.

Nous considérons toutefois, au sein du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qu’il ne faut pas franchir certaines limites : retirer à l’Anses son avis conforme pour le confier à un ministre en est une. Il est heureux que la commission ait fortement remanié le texte sur ce point : désormais, c’est le directeur de l’Anses qui pourra décider de déléguer son avis. C’est un soulagement, car se priver des scientifiques et de leur savoir se fait toujours au détriment de l’expertise et peut s’avérer très dangereux.

Les thèses contre le réchauffement climatique ne sont pas sans conséquence aux États-Unis, il n’est qu’à regarder les décisions politiques du nouveau président dès son premier jour au pouvoir. Si chacun peut décider de ce qui est bon ou mauvais, comment décide-t-on ? Selon ses seules convictions ? L’enjeu économique ne justifie de jouer aux apprentis sorciers.

Pour les néonicotinoïdes, n’ayons pas peur du débat. Ils ne doivent pas être le sujet qui fâche : nous pourrions nous entendre sur des interdictions ciblées, lorsque les produits de substitution n’existent pas. Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, des dérogations limitées dans le temps pourraient exister.

On peut comprendre aisément que, sans solution de remplacement, des productions et des filières entières risquent de disparaître. Cela fragilise encore notre agriculture, réduit le nombre d’agriculteurs et favorise la commercialisation en France de légumes, de fruits et de viandes traités avec des produits interdits. L’objectif initial, celui de protéger de la santé, n’est alors pas atteint.

Cependant, réintégrer les néonicotinoïdes serait un grand pas en arrière. Mon groupe a déposé un amendement visant à s’y opposer.

Mon département de l’Hérault figure parmi les cinq premiers au palmarès, peu glorieux, de l’exposition aux pesticides, dixit l’ONG Générations futures, qui relève un paradoxe : « avec la Gironde, le Gard, l’Hérault et l’Aude sont les quatre départements qui utilisent le plus de substances autorisées en agriculture biologique ». Or, dans l’Hérault, les quantités de glyphosate utilisé ont diminué de 40 % entre 2015 et 2023.

C’est pourquoi nous ne devons pas nous opposer les uns aux autres. Il faut sensibiliser, expliquer aux agriculteurs et aux consommateurs l’usage des traitements, leur utilité et leurs conséquences. Si nous voulons une agriculture raisonnée, mes chers collègues, soyons des parlementaires raisonnables.

Retrouvez mon intervention en vidéo via ce lien 

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