Chanvre en France : une autre image
Je suis intervenu en séance ce jeudi 17 novembre au sujet du développement économique de la filière du chanvre en France et l’amélioration de la réglementation des produits issus du chanvre :
Il a fallu attendre un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, en 2020, pour que la France autorise enfin les extraits de chanvre et le CBD en tant que molécule. Néanmoins, il nous faudra encore compter sur le Conseil d’État pour que la commercialisation de la fleur de chanvre soit possible.
Les auteurs de la proposition de résolution l’ont souligné, ce dont je tiens à les remercier : les revirements insécurisent la filière, laquelle représente déjà 30 000 emplois directs et indirects. Si ces aléas juridiques ne cessent pas, la France prendra un retard considérable dans le développement de la culture du chanvre, alors même que notre pays en est le premier exploitant d’Europe grâce à des conditions climatiques favorables.
Bien entendu, nous savons qu’en toile de fond il y a l’image du chanvre et de ses usages psychotropes. En effet, les enjeux sanitaires n’échappent à personne.
Mon groupe soutient toutes les politiques de lutte contre les addictions aux stupéfiants. La consommation régulière de cannabis met en péril la santé physique et psychique de nombreux jeunes ; il est important de le souligner. Toutefois, ne nous trompons pas de débat, car la légalisation du cannabis en est un autre.
Par conséquent, je le rappelle clairement : ce qui nous intéresse, au travers de ce texte, c’est l’avenir des produits CBD dépourvus d’actif psychotrope ou contenant moins de 0,3 % de THC. Il s’agit d’apprécier le large potentiel de développement du chanvre au regard de ses atouts sur le marché : textile, construction, papier ; il ne faut pas non plus oublier ses vertus cosmétiques et pharmaceutiques.
Face à cela, comme nous y invitent les auteurs de la proposition de résolution, l’agriculture française pourrait profiter d’une filière plus dynamique encore, à condition que le Gouvernement prenne une position claire et éclairée.
Mes collègues ont parfaitement présenté les qualités du chanvre : économe en eau, adapté pour la rotation des cultures, et offrant une qualité de drainage. Son exploitation peut donc s’inscrire dans une démarche durable et bénéficier de labels, comme cela est proposé.
En outre, le développement du chanvre peut être, dans certains territoires ruraux, un pilier de la reconquête industrielle.
Le RDSE souhaite toutefois poser quelques conditions.
La première est que son exploitation ne concurrence pas d’autres cultures essentielles à l’objectif de souveraineté alimentaire, que nous sommes nombreux à défendre sur ces travées. Sa bonne rotation avec d’autres cultures apporte une première garantie.
La seconde condition est que sa production et sa commercialisation répondent à des critères de sécurité et de contrôle.
L’interprofession se dit prête à un contrôle renforcé des parcelles de chanvre et à leur déclaration pour la traçabilité des fleurs. Je retiens également les propositions, présentes dans le texte, relatives à la conduite de tests sur les teneurs en CBD et en THC des produits bruts.
Les flux de marché doivent être surveillés. Pour cela, le développement de la filière doit s’exercer dans un environnement réglementaire sécurisé sur le plan national – comme je l’ai dit – ainsi que sur le plan européen par une uniformisation du taux de THC.
Le fameux arrêt Kanavape impose à chaque pays, au nom de la libre circulation des marchandises, la reconnaissance des teneurs légalement fixées par ses partenaires, ce qui crée des normes différentes d’un pays à l’autre. Cette situation peut compliquer la tâche des services de contrôle, que ce soit la douane ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Au titre des services que les producteurs de chanvre pourraient rendre, au travers du stockage de carbone ou le développement de matériaux biosourcés, je souhaite que l’amont de la filière soit soutenu comme le sont les autres filières.
La culture du chanvre présente un intérêt certain pour notre économie. Disons-le aussi : ses produits dérivés répondent à une demande sociétale autour du bien-être. Dans ces conditions, la majorité de notre groupe approuve la proposition de résolution et demande à Madame la Secrétaire d’État de ne pas laisser la filière perdre pied au profit d’autres pays mieux préparés.
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