Police judiciaire : pas de réforme sans concertation

Ça passe ou ça casse…

Prévu en 2023, le projet gouvernemental de réforme de la police judiciaire suscite beaucoup d’inquiétudes chez les policiers et les magistrats.
La départementalisation de la police judicaire (PJ) et le regroupement de l’ensemble des polices – sécurité publique, police judiciaire et même police aux frontières – sous l’égide d’un directeur départemental, pose le problème d’une polyvalence fortement critiquée.
Les enquêteurs de la PJ seraient amenés à gérer leurs enquêtes et d’autres missions. Alors que les effectifs sont déjà en sous-nombre, cela va amplifier la problématique. Une association s’est d’ailleurs constituée le 17 août 2022 : association nationale de la police judiciaire (ANPJ).
Enfin, cette réforme soulève par-dessus tout, la question de l’indépendance sur les enquêtes : procureurs et magistrats instructeurs se verraient retirer totalement la désignation de leurs enquêteurs et le directeur départemental rendra compte au préfet, donc au pouvoir politique.
Au-delà du fond, qui sera abordé dans le cadre du débat parlementaire, il s’interroge sur la méthode.
Il lui demande s’il va passer en force, puisqu’il a affirmé sa volonté d’une réforme rapide, ou bien s’il va, comme le Président de la République l’a affirmé plusieurs fois dans sa feuille de route et sa volonté de changer de méthode, suivre les schémas d’organisation remis par les services, notamment les magistrats des Pyrénées-Orientales et de l’Hérault, départements test.

La réponse du Ministère : 

Tournée vers les territoires, guidée par les principes d’efficacité et de proximité, menée en partenariat avec les acteurs du continuum de sécurité, la politique du Gouvernement vise à améliorer la sécurité des Français dans leur vie quotidienne. Pour atteindre cet objectif, il convient de renforcer les moyens des forces de l’ordre. Tel est le sens du « plan 10 000 » policiers et gendarmes supplémentaires mené à bien au cours du précédent quinquennat et de la hausse de près de 3 milliards d’euros des crédits alloués à la police nationale et à la gendarmerie nationale entre 2017 et 2022. D’importantes réformes ont également permis de renforcer et d’adapter l’arsenal juridique. Ces efforts vont se poursuivre avec le prochain projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, particulièrement ambitieux et qui aura vocation à être enrichi par le Parlement. La hausse des effectifs doit être conjuguée à une action résolue en termes de gains d’efficacité. Sont en effet essentielles les questions de gouvernance, d’organisation et d’adaptation aux évolutions de la délinquance. La police nationale poursuit à cet égard le chantier de rénovation de son organisation pour optimiser ses capacités et son ancrage dans les territoires, avec notamment la création en 2020 et 2022, de directions territoriales de la police nationale (DTPN) dans les territoires d’outre-mer. Préconisation du Livre blanc de la sécurité intérieure et mis en route au terme du « Beauvau de la sécurité », le projet de création de directions départementales de la police nationale (DDPN) répond à une ambition d’efficacité, de déconcentration et de proximité, avec pour objectif de mieux adapter l’action aux exigences des territoires. Il s’agit de placer sous un commandement unifié l’ensemble des services de la police nationale dans les départements. Porteuse de synergies, de rationalisation et d’optimisation des moyens pour une meilleure efficacité au bénéfice de nos concitoyens, cette direction de police unique permettra d’améliorer l’efficacité de la gouvernance territoriale et les capacités opérationnelles de la police nationale, notamment sa présence sur la voie publique. La réforme a été engagée à titre expérimental dans trois départements de métropole en janvier 2021, puis étendue à cinq départements supplémentaires au premier trimestre 2022. Elle sera généralisée à l’horizon 2023. Cette organisation unifiée ne remet pas en cause les filières métiers auxquels sont attachés les policiers (sécurité et paix publiques, renseignement territorial, frontières et immigration irrégulière). Elle ne remet notamment pas en cause la filière police judiciaire. Au contraire, elle ambitionne de mieux l’organiser de manière intégrée, et d’en améliorer le pilotage, dans toutes ses composantes, avec des structures centrales, zonales, départementales et locales. Sur le plan national, une direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) concevra et mettra en oeuvre la doctrine de la police judiciaire et sera responsable de l’ensemble de la filière investigation. Elle restera le pilote des structures opérationnelles à compétence nationale de l’actuelle direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui seront maintenues. Les offices centraux en particulier – ancrés dans le temps et au savoir-faire reconnu – subsisteront. Les antennes territoriales des offices seront également maintenues et chaque département disposera d’une filière judiciaire. Ainsi, loin de disparaître, la filière police judiciaire sera renforcée et forte de près de 23 000 personnels, contre 5 600 agents aujourd’hui au sein de la DCPJ. Aucun policier de PJ ne fera autre chose que ce qu’il fait aujourd’hui, sur son lieu d’affectation actuel. Il ne sera pas demandé aux enquêteurs de PJ de mener les enquêtes actuellement dévolues à la sécurité publique. Ils pourront au contraire se concentrer sur ce qu’ils savent le mieux faire en bénéficiant du soutien logistique et de gestion de la nouvelle direction départementale (surveillances de gardes à vue, gestion administrative, etc.). La cartographie de l’actuelle Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ne sera pas modifiée, si ce n’est pour la renforcer, en créant, par exemple, de nouvelles antennes d’offices centraux. Pour le dire clairement : aucune antenne PJ, aucun office ni aucun service ne sera supprimé. L’échelon zonal sera toujours compétent pour la criminalité organisée ou les affaires liées à la probité des élus. Quant aux moyens dédiés au traitement de la grande criminalité, ils seront augmentés dans le cadre de la future loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. La réforme doit, naturellement, se faire dans la concertation, afin notamment de répondre aux inquiétudes que suscite cette réforme au sein de la police judiciaire. Elle a été présentée aux organisations syndicales de la police nationale à plusieurs reprises avec, depuis le mois de juin 2022, une association des chefs territoriaux qui ont été chargés de déterminer les organisations territoriales dans le respect des grands principes fixés au niveau national. Enfin, un bilan de la création des directions territoriales de la police nationale dans les outre-mer et des expérimentations des directions départementales de la police nationale a été confié à l’inspection générale de l’administration et à l’inspection générale de la police nationale. L’inspection générale de la justice y est associée en ce qui concerne les relations entre les autorités judiciaires et la police judiciaire. Ce bilan sera effectué au début de l’année 2023. L’objectif est de finaliser la réforme au deuxième semestre 2023 en s’appuyant tant sur les conclusions de ce bilan que sur le fruit des concertations en cours et celles qui s’engageront avec les organisations syndicales à l’issue des élections professionnelles de décembre.

Retrouvez ma question et la réponse sur le site du Sénat via ce lien

 

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