Un article de Public Sénat – Elections : faut-il un casier judiciaire vierge pour être candidat ?
Lien vers l’article de Public Sénat
C’est la proposition de deux parlementaires socialistes de l’Hérault, Henri Cabanel et Fanny Dombre-Coste. À sept mois du scrutin présidentiel, une telle mesure est loin de séduire l’ensemble des responsables politiques.
« En matière judiciaire, mieux vaut avoir un passé qu’un avenir » la défense d’Alain Juppé en forme d’attaque à Nicolas Sarkozy lui-même visé dans l’affaire Bygmalion, ne risque pas de satisfaire le sénateur socialiste Henri Cabanel. Avec sa collègue de l’Hérault, la députée PS, Fanny Dombre-Coste, il a déposé une proposition de loi visant à imposer à tout candidat à une élection nationale (présidentielle, législative ou sénatoriale) la publication d’un casier judiciaire vierge. Plus précisément, ces sont deux textes qui ont été déposés à l’Assemblée nationale et au Sénat cette semaine. Pour les élections municipales, départementales et régionales, une proposition de loi ordinaire suffit. Mais pour les élections nationales de l’année prochaine (présidentielle, législatives et sénatoriales) une proposition de loi organique est nécessaire et anticiperait toute censure de la part du Conseil Constitutionnel. Le casier judiciaire devra alors être vierge de toute condamnation pour manquement à la probité (corruption, prise illégale d’intérêts, fraude fiscale) et d’atteinte aux personnes (violence, agression sexuelle, harcèlement, abus de faiblesse).
Montebourg et Macron sur le terrain de la probité
« Je l’ai présentée ce matin à mon groupe (PS) qui dans sa grande majorité est tout à fait d’accord sur le fond. Mais il souhaite encore réfléchir sur la possibilité politique de pouvoir l’inscrire dans une niche parlementaire» rapporte Henri Cabanel, un proche d’Arnaud Montebourg comme le rappelle Nicole Bricq. Cette sénatrice socialiste, proche d’Emmanuel Macron, en profite pour lâcher que cette mesure ne « l’intéresse pas beaucoup ». Une rivalité entre soutiens de deux futurs (probables) candidats à la présidentielle ?
Car sur le terrain de la probité des responsables politiques, le leader d’ « En Marche ! » n’était pas en reste lors de son meeting à Strasbourg le 4 octobre dernier.Parmi ses rares propositions, il distillait celle de suspendre la nomination d’un ministre à l’examen de son casier judiciaire tout en attaquant tour à tour Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sur leurs déboires judiciaires (voir notre article). Le 10 octobre dernier Arnaud Montebourg s’était dit lui « favorable à l’inéligibilité à vie pour tous ceux qui auront été condamnés». Henri Cabanel a toutefois tempéré ses ardeurs expliquant que son texte ne constituait pas en « une inéligibilité à vie » car ce serait inconstitutionnel. « Suivant la peine, Il y a des délais, 3 ans, 4 ans, 5 ans, 10 ans, où on peut demander à ce qu’on l’efface de son casier pour pouvoir se présenter ».
Virginie Calmels : « La probité d’Alain Juppé n’a pas été mise en cause »
Favori des sondages à la primaire des Républicains, Alain Juppé, condamné en 2004 à 14 mois de prison avec sursis et à 1 an d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêt dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, pourrait évidement pâtir d’une telle mesure. Raison pour laquelle, la première adjointe au maire de Bordeaux Virginie Calmels y voit « une petite manipulation » émanant de « socialistes ». « Dans le cas d’Alain Juppé, sa probité n’a pas été mise en cause. Et je crois que c’est pour cela que les Français lui ont pardonné et l’ont élu à des fonctions importantes » assure-t-elle reprenant ainsi un argument déjà évoqué par Alain Juppé lui-même, à savoir la reconnaissance par la Cour d’appel qu’il ne s’était rendu coupable d’aucun enrichissement personnel.
Bruno Le Maire demande la « transparence »
A droite, c’est Bruno Le Maire qui met le pied dans le plat avec une autre proposition. Celle-ci impose la transparence sur son casier judiciaire pour tout candidat à une élection locale ou nationale. « On ne s’organise pas en juge. Nous ne demandons pas que le casier judiciaire soit vierge mais sa publication pour que les Français puissent trancher » développe Gérard Cornu, soutien de Bruno Le Maire au Sénat qui ajoute qu’une telle mesure ne prendrait pas la forme d’une loi mais d’un référendum, concomitant au deuxième tour des élections législatives dans l’hypothèse ou Bruno Le Maire accéderait à l’Elysée.
« Ça ne vise personne mais ça concerne tout le monde » avait indiqué Bruno le Maire lors du premier débat entre les candidats de la primaire de droite. Alain Juppé l’avait quand même pris pour lui. « Je tiens mon casier judiciaire à la disposition de Bruno » (…) s’ils (les Français) estiment que ma faute me disqualifie, ils ne m’éliront pas » s’était-il défendu. Nicolas Sarkozy s’était, lui aussi, senti concerné :« Mon casier judiciaire, après 37 ans de vie politique, il est vierge » (…) « Est-ce que vous croyez vraiment que si j’avais quoique ce soit à me reprocher, je me lancerais dans cette campagne » ?
« Une connerie ! » pour Serge Dassault
Ce matin, au groupe Républicain du Sénat, les textes Cabanel/Dombre-Coste n’étaient, c’est le moins qu’on puisse dire, pas vraiment plébiscités. Le sénateur Serge Dassault, coprésident le comité de soutien de Nicolas Sarkozy en Essonne, s’est fendu d’une lapidaire mais explicite réponse : « c’est une connerie ! ». Autre soutien de l’ancien chef de l’Etat, Alain Joyandet estime quant à lui « que la droite a bien d’autres choses à faire ». « C’est bien de mettre en route l’entonnoir de la communication pour amuser les gens pendant trois jours avec ce genre de choses » ironise-t-il avant de dérouler ce qu’il considère être les « véritables sujets » pour les Français : « le chômage », « le pouvoir d’achat », « la sécurité », « le djihadisme… »
Il n’empêche, n’en déplaise à Alain Joyandet, selon un sondage Harris Interactive pour l’ONG Transparency International France et Tilder, plus de 70% des Français jugent les parlementaires, le Président et l’exécutif comme plus ou moins corrompus.
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