Une proposition de loi pour une industrie verte : l’intention bonne, la méthode floue

En séance publique, ce mardi 20 juin, je suis intervenu au sujet d’une proposition de loi sur l’industrie verte.

Pour une fois nous sommes d’accord avec la formule : ré-industrialiser. OUI mais pas n’importe comment.
Le texte que nous allons examiner aujourd’hui annonce très clairement ses objectifs : « produire plus en France cela signifie que cela doit se faire de façon « propre » grâce à notre mix énergétique décarboné ».
Je cite encore votre projet  : « Chaque relocalisation contribue à réduire l’impact de nos activités à l’échelle mondiale. L’atteinte de nos objectifs économiques et climatiques passe par une nouvelle étape d’accélération des implantations industrielles pour attirer les industries vertes. Cette ambition s’accompagne également d’une volonté portée par le Gouvernement de former tous les talents indispensables au développement industriel en France ».

Dans vos objectifs, il y a déjà trois paramètres que mon groupe souhaiterait vous voir éclaircir car les intentions sont bonnes mais la méthode un peu floue :

1. D’abord, la réduction de nos impacts à l’échelle mondiale.

Le constat est partagé. La désindustrialisation a eu des conséquences économiques et sociales en France avec des millions d’emplois en moins mais aussi un savoir- faire et une expertise perdus. Pour autant, nous ne pouvons reconquérir les marchés n’importe comment. L’état des lieux du réchauffement climatique, les rapports consternants du GIEC sur la disparition de milliers d’espèces animales et de la flore, nous obligent à la raison et à l’anticipation. Nous avons la responsabilité de faire face à ces défis.

Le contexte que nous vivons avec la guerre en Ukraine, au-delà du drame humain, mais aussi les deux années de Covid nous rappellent que la France est dans une situation de dépendance. Il n’est donc plus à prouver qu’il est nécessaire de travailler en transversalité le triptyque du développement durable -le social,
l’environnement et l’économie.

Il serait opportun d’avoir une analyse après COVID. Prenons l’exemple des masques : des usines en France se sont transformées pour cette nouvelle filière alors que la Chine n’exportait plus. Quelques mois plus tard, réouverture des frontières à l’export et beaucoup de commandes sont retournées vers les pays qui
produisaient à moindre coup et qui sont loin de privilégier l’aspect environnemental. Plaçant les usines françaises dans le rouge.

Idem pour les agriculteurs. Beaucoup de Français ont découvert le « manger local » et la vente directe pendant les confinements. Qu’ils ont oubliés quelques mois plus tard reprenant leurs habitudes de
courses en grande surface… Quelles solutions sont prévues pour pérenniser les activités ? Et les rendre compétitives face à un marché mondial concurrentiel ?

D’autre part, comment connaître l’impact carbone quand les évaluations et labels ne sont pas identiques ?  A l’heure où les groupes ont compris l’intérêt d’une image verte, comment lutter contre le greenwashing ? Il est primordial de faire évoluer les marchés publics et de les affiner.

Enfin, allez-vous prévoir avec l’Europe des taxes fortes à l’arrivée en France quand les produits étrangers ont un bilan carbone négatif ? Car même s’ils affichent – ce qui est rare- des process de respect de l’environnement, les milliers de kilomètres parcourus les pénalisent. Cela ferait augmenter leurs coûts et offrirait une loyauté dans la concurrence. Car on ne peut pas toujours imposer plus aux entreprises françaises et faire rentrer en France et en Europe des produits qui ne correspondent pas à ces critères de qualité.

Côté fiscal, la France enregistre un déficit commercial sur les biens de 160 milliards et accumulent chaque année près de 150 milliards de taxes, impôts et cotisations supplémentaires par rapports à leurs voisins de la zone euro. Sans parler des normes… Difficile d’être compétitif dans ces conditions.

 

2. Concernant, votre volonté d’accélérer les implantations industrielles, nous avons été très satisfaits d’entendre en audition, Monsieur le Ministre LE MAIRE nous indiquer que les projets verts
n’impacteraient pas les ZAN. Pouvez-vous nous le confirmer ?

 

3. Troisième sujet qui demande un éclairage, la formation des talents. Là encore comment allez-vous procéder ? Quelles nouvelles filières ? Avec quel phasage ? Et quelle évolution pour la voie professionnelle qui doit être partie intégrante à votre projet ?

Enfin, une dernière interrogation concernant la méthode. Il est beaucoup question de simplification, de démocratie participative avec des procédures publiques innovantes. Comment avez-vous pensé ces procédures ? Quelles parties prenantes ont été associées à votre projet ?

Dans la mission que j’ai présidée sur la démocratie représentative, participative et paritaire qui a débouché sur le rapport de notre collègue BONNECARRERE, « Décider en 2017 : le temps d’une démocratie coopérative », nous avions proposé de créer une procédure continue de consultation du public couvrant toutes les phases du projet d’infrastructure et placé sous l’égide d’un garant désigné par la CNDP. Cette piste pourrait s’adapter aussi aux projets d’implantation d’industrie verte…

Car les réunions publiques que vous citez ne sont en rien de la co-construction. Généralement les projets sont ficelés lorsqu’ils sont présentés aux habitants. Et ils le savent bien !

Monsieur le Ministre, vous l’avez compris de nombreuses questions demeurent à la lecture de ce texte. Merci de nous aider à y voir plus clair !

Retrouvez en vidéo mon intervention via ce lien.

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