Quel avenir pour notre agriculture ?
Lors des QAG du 13 février, j’ai interpellé Madame la Ministre déléguée auprès du Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Agnès Pannier-Runacher, au sujet de notre modèle agricole :
Si leur colère a été enfin entendue, les agriculteurs n’ont toujours pas été tout à fait écoutés. Pourquoi a-t-il fallu que les tracteurs sortent des champs pour que l’on comprenne enfin la détresse des paysans ? Pourquoi, dans ce pays, faut-il toujours attendre que la fronde gronde ?
Nous ne découvrons pas les bas revenus, la disparition des exploitations, la baisse des transmissions, la lourdeur administrative, les crises climatiques, sanitaires, économiques ; et, surtout, nous ne découvrons pas les suicides : tout cela est connu depuis des décennies.
La question posée, qui a trait à la nature de notre modèle agricole, me semble totalement dépassée. Il faut arrêter d’opposer les modèles – les uns accusent l’agriculture conventionnelle de tous les maux, les autres pointent du doigt les agricultures bio ou de niche, considérées comme vouées à l’échec.
Défaisons-nous de ces visières qui nous empêchent d’avancer et abandonnons ces réponses qui nous font tourner en rond !
Réjouissons-nous de cette agriculture plurielle et attaquons-nous à la vraie question : quel avenir pour notre agriculture ?
Partons d’un constat positif : nous avons l’agriculture la plus saine du monde et nos agriculteurs se sont engagés dans des modèles vertueux, car ils sont responsables – et les Français l’ont bien compris.
Pourtant, ils ne bénéficient pas de revenus qui soient à la hauteur des services rendus à notre nation et à notre souveraineté.
Ces problèmes ont été pointés par nos agriculteurs. Voilà, Madame la Ministre, votre feuille de route pour votre pacte et votre loi d’orientation et d’avenir agricoles !
Espérons que leurs 120 propositions vous aideront à étoffer votre texte initial, qui, il faut le dire, est bien léger, le dossier de l’agriculture étant passé au seul filtre des questions de l’orientation et de la transmission.
Comment transmettre l’outil, en effet, quand le revenu n’y est pas, quand le fruit du travail ne permet pas de vivre, quand le partage de la valeur ne se fait pas ?
Madame la Ministre, par les réponses qu’il apporte dans l’urgence, le Gouvernement prend le risque de sombrer dans une politique de la rustine qui verrait diverger productivité et transition vers l’agroécologie.
Ne confondez pas vitesse et précipitation ! Si nous ne pouvons raisonnablement pas continuer à faire appliquer à nos agriculteurs des normes sanitaires plus contraignantes que celles qui prévalent chez nos voisins européens, quel message envoyez-vous, néanmoins, en mettant à l’arrêt le plan Écophyto 2030 ?
Le signal est désastreux tant pour la protection de l’environnement que pour celle de la santé publique ; il va à rebours de nos politiques agricoles et de la transition écologique à laquelle notre agriculture ne pourra se soustraire.
Les mesures environnementales doivent être non pas un obstacle, mais la réponse aux difficultés ; et, cette réponse, il faudra que nos agriculteurs la choisissent au lieu de la subir. Donner le choix, c’est s’assurer de l’acceptabilité, pour le monde agricole, des orientations que l’on souhaite lui donner.
Allez-vous enfin comprendre que, pour réussir notre transition, il faut encourager les agriculteurs à s’engager dans la démarche des paiements pour services environnementaux (PSE) ? Ces services devraient être sélectionnés par les principaux concernés parmi un panel de solutions et de possibilités qui, une fois mises en place, seraient valorisées par une rémunération au minimum équivalente au coût lié à la perte de productivité induite par ces mesures.
Telle est la seule façon de répondre à la particularité de chaque territoire et au besoin d’une agroécologie cohérente, tout en permettant à nos agriculteurs de tirer un revenu décent de leur activité.
Coupe-feux, haies, irrigation raisonnée, restructuration du sol, cépages résistants… : si nos modèles de production doivent évoluer, cela ne pourra se faire de manière uniforme, nos territoires étant marqués par des différences structurelles et climatiques notables.
L’enjeu environnemental mérite que les PSE soient élaborés et mis en place sur la base d’un diagnostic de territoire posé en tenant compte d’enjeux qui ne sont pas partout les mêmes. Nous devons concentrer l’ensemble de nos efforts sur la réalisation de l’objectif de prix justes pour une transition juste, du champ à l’assiette, et ne pas prendre pour cibles les mesures environnementales que Bruxelles et Paris élèvent en variable d’ajustement de la colère qui s’est exprimée. Faisons le pari du consensus et de la vision de long terme afin de redonner de l’attractivité aux métiers de l’agriculture, d’accompagner et de revaloriser les actifs du monde agricole et agroalimentaire français, d’assurer notre souveraineté alimentaire et de mener la transition agroécologique.
Réponse de Madame la Ministre déléguée :
Je concentrerai ma réponse sur le sujet des paiements pour services environnementaux.
Vous avez raison de mentionner ce dispositif, dont vous avez très justement parlé. Nous partageons votre constat : il faut davantage valoriser ce que font nos agriculteurs dans leur exploitation en matière environnementale. L’un des objets des initiatives du type PSE est précisément de mieux faire comprendre l’apport essentiel qui peut être celui de nos agriculteurs dans la transition agroécologique et climatique et dans la préservation de la biodiversité.
Vous le savez, la PAC 2023-2027 permet la rémunération des services environnementaux via cette nouveauté qu’est l’écorégime. Il s’agit, très concrètement, d’un paiement direct aux exploitants agricoles qui s’engagent volontairement à mettre en place sur leur exploitation des pratiques agronomiques favorables au climat. Ce paiement est découplé, uniforme et versé annuellement sur tous les hectares admissibles de l’exploitation.
Tel est par exemple le cas du bonus « haies ». Vous connaissez l’importance des haies : dans le cadre de la planification écologique, nous avons l’ambition de déployer 1,5 million de kilomètres de haies à l’horizon 2050. Pour lancer le mouvement, des mesures de simplification sont indispensables – cet enjeu comptera parmi ceux du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles –, mais nous devons également nous appuyer sur les mécanismes d’incitation des écorégimes.
Au total, une enveloppe d’un montant – significatif – de 1,7 milliard d’euros est consacrée aux écorégimes. Bien entendu, il s’agit d’un dispositif relativement récent que nous pourrons travailler à améliorer ; c’est en tout cas un très bon support pour répondre aux problèmes que vous soulevez, monsieur le sénateur.
Pour ce qui est du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, je rappelle qu’il inclut, outre les questions de la formation et de la transmission, des volets relatifs à la souveraineté et à la simplification, qui devraient largement répondre à vos attentes.
Retrouvez mon intervention en vidéo via ce lien
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