Mieux gérer les risques agricoles : notre proposition de loi adoptée à l’unanimité au Sénat !

J’ai déposé cette proposition de loi avec Franck Montaugé, sénateur du Gers, et Didier Guillaume, sénateur de la Drôme, président du Groupe socialiste et républicain du Sénat.

Elle « s’inscrit dans la continuité de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture« .

Elle poursuit deux objectifs majeurs :
– « offrir de nouveaux outils aux agriculteurs pour prévenir et gérer les risques,
– et poser les bases du débat sur la future réforme de la politique agricole commune (PAC) d’après 2020
« .

Le texte comprend 10 articles et propose notamment :
– de mettre en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles d’ici le 1er janvier 2018 (art 1er) ;
– de mettre en œuvre des expérimentations visant à concevoir et évaluer des mécanismes de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus (art 3) ;
– de préciser que le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) intervient chaque année, en complément des aides européennes, jusqu’à concurrence de ce plafond (art 5) ;
– d’augmenter la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles (art 8).

Retrouvez mon intervention en séance du 30 juin 2016 :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Le 6 avril dernier lors de l’examen de la Proposition de Résolution qui visait à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, je vous avais présenté dans le détail le contexte et les enjeux de ce texte.

La Proposition de loi que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit dans sa continuité. Elle poursuit des objectifs très clairs : la mise en œuvre de mécanismes de gestion des risques en agriculture.

Inutile de revenir sur le contexte de crise profonde, vous le connaissez toutes et tous : il y a urgence à agir.

Si l’État a su répondre aux pics conjoncturels par un soutien financier, l’enracinement de cette crise nous place devant une évidente crise structurelle au niveau français mais aussi au niveau européen. Aujourd’hui, la filière tout autant que les élus, s’accordent à dire qu’il faut revoir notre modèle agricole. Il faut le faire coller à la réalité du marché mondialisé, à l’attente sociétale sur les questions environnementales, à l’évolution des goûts des consommateurs…

La semaine dernière, l’AFP s’est fait l’écho de la situation de précarité du monde agricole en donnant les chiffres de l’évolution des demandes de la prime d’activité, qui remplace  le RSA activité et représente en moyenne 183 euros par mois.

La MSA témoigne de cette augmentation de demandes provenant aujourd’hui à 34% d’exploitants agricoles.

Selon son Président national, Pascal Cormery, une conjonction de facteurs fait que « les mois de septembre et octobre peuvent être à haut risque pour le monde agricole ».

A la crise économique et sanitaire (fièvre catarrhale ovine et grippe aviaire) s’ajoutent ces jours derniers les intempéries qui ont encore plus fragilisé ceux qui l’étaient déjà et touché des professions qui ne l’étaient pas encore, comme les maraîchers. Il faut donc déployer très rapidement des outils de protection pour permettre à nos agriculteurs d’avoir une visibilité économique nécessaire afin de construire une véritable stratégie.

Nous le savons, les risques en agriculture représentent un  sujet très technique, très complexe. Des chercheurs y travaillent depuis des années.

L’unanimité aujourd’hui est faite sur le manque évident.

Ce constat est dressé mais nous restons dans un immobilisme qui sclérose la filière.

Nos voisins européens comme l’Allemagne, l’Espagne mais aussi les États-Unis se sont déjà dotés d’outils qui répondent à cette problématique.

Dans le cadre de notre proposition de loi, nous avons demandé aux services du Sénat une étude de législation comparée dans ces trois pays significatifs.

Les trois exemples étudiés démontrent une part variable à l’assurance et à la compensation des dommages occasionnés par les catastrophes naturelles. En Allemagne, le recours à l’assurance privée s’effectue sur la base exclusive du volontariat, la gestion du risque agricole étant en principe du ressort de l’agriculteur.

Le régime des indemnités versées par les collectivités publiques, qui résulte d’une intervention de la Fédération ou d’un Land, peut être lié à la souscription préalable d’un produit d’assurance privé : à défaut, son montant est susceptible de diminuer.

En Espagne, un dispositif d’assurance agricole ancien et spécifique tend à se généraliser, sous la forme d’un « partenariat public privé », les compensations versées en cas de catastrophe revêtant un caractère résiduel.

Aux États-Unis, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif public de compensation des dommages qui ne nécessite pas de versement de prime. Mais les agriculteurs peuvent en plus s’assurer auprès d’une compagnie privée en acquittant une prime variable en fonction du niveau de rendement attendu et de la couverture choisie.

L’Europe a pris en compte la question de baisse de revenus: des fonds européens peuvent être déployés dans le cadre de l’instrument de stabilisation des revenus (articles 36 et 39 du règlement européen relatif au soutien de développement rural par le FEADER). Mais aucun pays ne les a activés. Les Régions qui sont responsables de la gestion de ces fonds ayant opté pour d’autres priorités.

Pourtant, une mise en œuvre dans les plus brefs délais nous paraît plus que nécessaire. Nous sommes conscients des  arbitrages et des compromis que devront opérer les Régions dans ce cadre avec les filières. Mais cette réalisation représentera une bouffée d’oxygène pour un grand nombre d’agriculteurs qui peinent aujourd’hui à s’en sortir financièrement.

Ce mécanisme permettrait, en effet, d’être activé en cas de baisse du revenu importante de l’agriculteur concerné.

Les paiements effectués par ce fonds compenseront jusqu’à 70% de la perte de revenu. C’est tout l’enjeu de l’article 1er de notre proposition de loi.

Le fonds de stabilisation des revenus agricoles serait mis en place dans les Régions au plus tard au 1er janvier 2018, et serait cofinancé par le FEADER, l’Etat, les collectivités territoriales, et les personnes physiques ou morales exerçant des activités agricoles. Cela permettrait la mise en place de soutien et d’accompagnement plus pérennes.

Nous connaissons aussi l’iniquité de la répartition des crédits de la PAC aujourd’hui.

Nous devons parler d’une même voix pour un discours honnête et réaliste : face aux exigences européennes et à l’obligation de gérer des problématiques lourdes et d’actualité –la question migratoire, par exemple, le Brexit et les moyens qu’il nous faudra capter pour redéfinir une stratégie politique et économique européenne. Nous ne pouvons nier la réalité probable de la baisse des crédits de la PAC Post 2020.

S’il n’est pas question de porter atteinte à certaines règlementations comme l’ICHN, il faudra avec raison et concertation faire des choix dans la répartition des fonds européens dans le cadre des aides découplées.

Mesdames et Messieurs les sénateurs de la majorité, vous vous êtes abstenus lors du vote de notre Proposition de Résolution. Celle-ci a donc été adoptée à l’unanimité le 6 avril.

Vous avez proposé pour cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui des amendements de pure forme qui ne donnent pas d’axe précis sur votre positionnement si ce n’est qu’une « abstention positive ».

Je comprends votre amertume concernant votre proposition de loi sur la compétitivité agricole. Mais comme je vous l’avais dit dans cet hémicycle, le calendrier était malvenu, apportant à votre proposition de loi un sens politique que les enjeux agricoles doivent dépasser.

Il est donc temps aujourd’hui d’agir pour ces enjeux en dépassant nos clivages et nos différences d’idéologie.

Une union en faveur de la gestion des risques en agriculture offrirait à notre Assemblée une image de raison, de construction, d’action et non une image de parti-pris systématique que les citoyens rejettent aujourd’hui. Le Brexit est un exemple éloquent d’un monde politique éloigné des peuples et incapable de communiquer sur ces actions.

Les agriculteurs nous font confiance car nous sommes les élus des territoires et donc les élus de la ruralité.

Que seront ces territoires si demain l’agriculture disparait car elle n’aura pas su se doter d’outils modernes qui accompagnent ses mutations ?

La gestion des risques en fait partie, dans une agriculture mondialisée.

Plutôt qu’un vote « d’abstention positive », je vous propose, une fois n’est pas coutume, de faire un vote « d’adhésion positive » qui sera beaucoup plus porteur : un signe fort donné à nos collègues députés. Ce vote « d’adhésion positive » offrira aussi un signe fort pour nos agriculteurs, pour la défense de leurs revenus, l’aménagement de nos territoires, tout autant que pour le maintien de notre sécurité alimentaire.

Je fonde tous mes espoirs dans votre proximité avec vos terroirs, dans votre connaissance de notre monde rural.

Nos paysans méritent notre prise de responsabilité, ils méritent notre union « sacrée ».

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