Limiter les paiements en espèces : un levier clé contre l’économie souterraine et ses ravages ?
Je suis intervenu en séance publique au sujet de la proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces. Ce n’est pas nouveau, le trafic organisé tue, la fraude fiscale fragilise notre pacte sociétal, le travail dissimulé déstabilise notre économie et l’industrie du blanchiment d’argent alimente toute cette machine mortifère.
Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’actualité inquiétante de ces derniers jours, liée aux conséquences tragiques du trafic de drogue : un jeune de 15 ans assassiné à Poitiers, une personne tuée à coups de couteau à Rennes ou encore un mort dans une fusillade à Valence.
Quel est le point commun entre ces tragédies ? Leurs auteurs ont tous bénéficié directement ou indirectement du recours au paiement en espèces pour parvenir à leurs fins. Autrement dit, le paiement en espèces facilite le financement des activités illégales et constitue une véritable « malédiction du cash », pour reprendre les termes de certains économistes.
En réponse, les mesures judiciaires et policières pour stopper les trafics en tout genre et la fraude fiscale sont indispensables. À cet égard, nous serons très attentifs au nouveau plan de lutte contre le narcotrafic présenté la semaine dernière par les ministres de la justice et de l’intérieur.
Plus largement, cette actualité met l’accent sur un sujet qui doit nous mobiliser : la lutte contre l’économie souterraine. Ce sujet me paraît important à deux titres.
D’une part, d’un point de vue financier et économique, l’économie souterraine représente aujourd’hui 11,6 % du PIB selon la Banque de France. Une manne fiscale considérable échappe donc à l’État.
Cela doit nous interpeller au moment où nous nous interrogeons sur l’avenir du financement du budget de l’État. Ne faudrait-il pas mener aujourd’hui une évaluation de l’efficacité et du caractère complet de notre boîte à outils pour lutter contre ce phénomène ? Un débat doit être ouvert sur ce point.
D’autre part, il faut identifier les moteurs de cette économie souterraine. Sur ce point, le cash joue le rôle principal, en raison de l’anonymat des échanges qu’il permet. Dans une note publiée cet été, la Banque de France confirme qu’il existe un lien étroit entre la taille de l’économie souterraine et la demande de billets. Autrement dit, la régulation du paiement en espèces constitue un levier essentiel pour lutter contre l’économie illégale.
Dans cet esprit, la limitation des transactions en cash s’impose comme une réponse complémentaire et fondamentale à l’action judiciaire et policière menée par le Gouvernement, en particulier pour traiter le bas du spectre des activités illégales, qui reste pour l’instant sous les radars.
En ce sens, la proposition de loi, présentée par le sénateur Christian Bilhac au nom du groupe du RDSE, apporte quelques solutions. En s’attaquant au financement des activités illégales, elle participe à la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif d’intérêt général suffisant pour justifier un cadre juridique plus strict sur le paiement en espèces.
À cet instant du débat, j’ai bien compris que, sur toutes les travées, vous étiez contre cette proposition de loi. Elle a pourtant le mérite d’ouvrir le sujet et de poser la question fondamentale de la lutte contre cette économie parallèle et illégale qui nous fait tant de mal.
Les orateurs précédents l’ont dit de manière plus ou moins affirmée : nous sommes tous d’accord pour mener ce combat, qui exigera de nous lucidité et courage. En effet, nous ne pourrons plus nous cacher derrière l’objectif jamais atteint du maintien de la paix sociale : nous devrons réaliser un véritable travail de fond. Voilà ce vers quoi je vous invite à tendre, mes chers collègues.
Retrouvez mon intervention en vidéo via ce lien
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