Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs : un pas de plus en avant !

Je suis intervenu en séance publique, ce mardi 21 mars, au sujet de la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs :

Nous avons décidé d’appréhender ce texte de façon positive, en ce qu’il est le reflet de plusieurs dispositions proposées par le Sénat. La CMP a été conclusive, et nous devons nous en réjouir, car le contexte de négociations commerciales tendues, dans une période d’inflation galopante, qui induit des efforts communs, nous impose la raison. Mais les efforts sont-ils communs ?

L’inflation, qui fait la une de tous les médias, nous assène des hausses de prix incroyables : 14 % pour l’alimentation et jusqu’à 30 % pour la viande dans certains endroits. Le trimestre du panier anti-inflation a commencé par un constat mitigé de la part des consommateurs, ceux d’entre eux qui vivent dans la précarité ne pouvant acheter les produits dont les tarifs ont pourtant baissé.

Dans cette guerre des prix, les distributeurs s’achètent une conscience tout autant qu’une image en affichant un objectif bienveillant : faire supporter le moins possible au consommateur les conséquences de l’inflation. Mais qui paye ?

On parle d’un financement grâce à la baisse des marges. C’est oublier que la guerre des prix a toujours été à charge pour les producteurs. Et ce sont les agriculteurs, une fois de plus, qui payent la note et subissent une double peine, pris entre l’inflation des prix des matières premières – emballages, carburant, produits phyto, etc. – et une asphyxie à la vente, avec des prix négociés au plus bas. Personne n’est dupe !

Les médias se polarisent sur cette hausse des prix des produits alimentaires, mais le budget d’un foyer n’est-il pas actuellement plus fortement atteint par d’autres postes, tels que l’énergie ou les loyers ?

Cette situation suscite des problèmes quant au modèle d’agriculture verte déterminé par l’Europe. La France, bon élève, en haut du tableau d’honneur, perd en compétitivité : quand le bio, par exemple, se vend au prix du conventionnel, un énorme problème se pose, qu’il faut résoudre rapidement. Certains agriculteurs se désengagent de ces modes de production qui sont plus onéreux et n’offrent aucun débouché à certains produits. Il faut agir très vite !

C’est la raison pour laquelle, comme je l’ai déjà souligné dans cet hémicycle, il faut revoir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la LME, qui a permis à la grande distribution de mutualiser via la mise en place de centrales d’achats. Cette mesure a renforcé la pression sur les agriculteurs. Nous devons y travailler et tirer, a minima, un bilan objectif après quinze ans d’application.

Dans ce contexte commercial tendu, toute mesure positive pour les agriculteurs doit être encouragée et défendue. Mon groupe salue donc plusieurs avancées.

L’article 1er, tout d’abord, rappelle que les dispositions du code de commerce s’appliquent à toute relation contractuelle dès lors que les produits que celle-ci vise sont commercialisés en France. Il s’agit ici de contrer le phénomène d’évasion juridique consistant à délocaliser la négociation contractuelle, afin de la soumettre à des dispositions juridiques plus favorables et moins protectrices des intérêts des agriculteurs français et du fabriqué en France.

L’article 2 prolonge les dispositions de la loi Égalim 1 sur l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte, déjà prolongées une première fois par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap, en 2020.

Le SRP+10 est prorogé jusqu’en 2025, comme l’avait voté le Sénat en première lecture. L’exclusion de la filière des fruits et légumes du dispositif est maintenue, conformément à plusieurs amendements adoptés par le Sénat, notamment celui de ma collègue Nathalie Delattre.

La CMP a conservé la disposition introduite par le Sénat sur la non-négociabilité des matières premières agricoles des produits vendus sous marques de distributeur. C’est à mon sens un acquis important.

Un grand pas est également franchi avec l’expérimentation de rupture des livraisons en cas d’échec des négociations commerciales annuelles entre un fournisseur et un distributeur. Cette mesure répond clairement à un enjeu d’équilibre entre ces deux parties.

Je salue Mme la rapporteure, Anne-Catherine Loisier, qui a déclaré : « Le Parlement est obligé d’intervenir, non pas par plaisir, mais parce que les acteurs se livrent à une partie de “poker menteur” qui se fait souvent au détriment des consommateurs, des agriculteurs et des PME. » Vous avez bien raison, madame la rapporteure, et nous sommes nombreux à partager ce constat.

Toutefois, ne soyons pas trop naïfs, car cela pourrait se retourner contre les agriculteurs français, la concurrence mondiale étant à l’affût. Dans une économie de marché libérale qui se conjugue à un contexte d’inflation exacerbée, les distributeurs achèteront ailleurs. L’article 1er est donc fondamental pour enrayer ce risque.

Bref, la voie est bonne, mais il faut persévérer, car l’un des problèmes majeurs de notre agriculture est le faible revenu. Alors que se profilent le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles, le sujet du prix rémunérateur doit être l’un des enjeux primordiaux de notre réflexion.

Au-delà de l’orientation et de la formation nécessaires, de l’installation et de la question primordiale de la transmission ou de l’adaptation obligatoire au changement climatique, il ne faut pas oublier une question essentielle : pour soixante heures de travail hebdomadaires en moyenne, il faut un revenu à la hauteur ! La logique est implacable : il y va de notre souveraineté alimentaire.

Mon groupe votera bien entendu en faveur de cette proposition de loi.

Retrouvez mon intervention via ce lien 

 

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